L'ombre

Edito

 


En-Quêtes ne pouvait avoir traité le thème du soleil sans s'intéresser un jour à celui de son double en creux, de son « négatif » au sens photographique du terme - mais pas seulement. Et c'est bien dans toute sa polysémie qu'elle est déclinée ici : ombres salvatrices, mortifères, ombres-hypostases, outil scientifique et philosophique...

Textes sur l'ombre

Capiteuse et vénéneuse comme les limbes nébuleux et bleutés d'une fumerie dans l'arrière-salle de laquelle, allongé sur sa natte, Baudelaire tirerait sur sa pipe d'opium, « L'ombre et la rose », d'Héléna Gillant, projette une ombre maléfique, mortifère rivale de sa propriétaire, Berthe Ana, sur laquelle elle étend peu à peu son empire, au point qu'on se demande laquelle des deux est l'ombre de l'autre... Berthe Ana parviendra-t-elle à s'émanciper de son double envahissant ? Tout en étant sur tes gardes, lecteur, laisse Héléna Gillant te faire de l'ombre pour le découvrir...

Quant à François Jeannet, celui-ci nous propose une étude de l'ombre dans trois peintures religieuses : deux fresques, tout d'abord, « L'ombre de saint Pierre guérissant les malades », de Masaccio, où l'ombre du fondateur de l'Eglise est sans doute le symbole du pouvoir temporel absolu du pape ; puis « Le paiement du tribut », toujours par Masaccio ; et finit par « La présentation de la Vierge au Temple », de Nicolas Dipre, où l'ombre de Marie à trois ans semble magnifier son sublime ministère.

Dans son article « De l'utilité de l'ombre », Claude Bureau passe en revue les différents avatars de l'ombre dans la philosophie, les arts et les sciences à travers quelques exemples remarquables, tant du point de vue de sa représentation que de sa portée.

Nous remettant dans les conditions primitives des premiers astronomes, Florent Jobard, par le truchement de l'original « monsieur Jo », nous invite à mesurer avec lui et ses élèves, « Cour Villiers, [un] 21 juin », l'angle d'inclinaison de la terre, comme l'eût fait un père fondateur grec. Mais sous l'expérience scientifique, point l'expérience humaine, voire esthétique, et la chronique pédagogique se mue peu à peu en une manière d'Enfantine au charme larbaldien à la fois sensuel et suranné.

Enfin, que reste-t-il de la Manchester décrite par A. de Tocqueville en 1835 ? Une ville comme un tableau que seuls les mots ne sauraient décrire... Car plus qu'une fresque historique ou qu'une chronique sociologique, c'est un voyage sensoriel que nous propose Grégory Hosteins dans « Manchester, 5 juillet 1835 ». Lecteur, laisse-le te plonger dans les tréfonds de la nébuleuse et bruyante cité industrielle, accompagne-le dans l'exploration de l'antre de cette ville perdue où ombres et lumières se répondent autant que misères et richesses, forces et faiblesses, multitude grouillante et isolement pesant, domination et asservissement... Lève donc la tête ! Alors, en t'élevant progressivement, l'obscurité pesante de la Machine se dissipera, l'atmosphère se fera moins asphyxiante et la lumière jaillira...

Sujets libres

Prenant part à l'expédition de la Pérouse, Grégory Hosteins, dans « L'innocent guerrier », erre sur les océans, parcourt le monde. Il rencontre l'inconnu, un inconnu qui trouble les sens, enchante l'âme : une nature luxuriante, qui offre sans retenue, qui se donne, comme les femmes de ces contrées lointaines : nues et engageantes. Le mythe du Bon Sauvage trouvait là de sérieux fondements ; mais ces femmes qui traversaient la haie des soldats, trop faibles pour les repousser, étaient suivies de près par les hommes... couverts de cicatrices.

Si Nietzsche annonçait péremptoirement la mort de Dieu, il eût été bien en peine d'en préciser la date ! Et pour cause ! Sainte Thérèse d'Avila trépassa dans la nuit du 4 au... 15 octobre 1582 ; Shakespeare et Cervantès moururent à la même date mais pas le même jour... Ô docte lecteur, tu te dis que je suis en avance de trois mois sur les canulars du 1er avril qui, en réalité, devrait avoir lieu le... Oh, et puis je me sens soudainement prendre par le vertige du jet lag ; alors pour débrouiller cet écheveau, va plutôt lire « Mais qu'est-il donc arrivé à la date du 11 décembre 1582 ? », de Daniel Poza-Lazaro, et le suivre dans ses arcanes calendaires.



mis en ligne le 23 février 2008