La guerre

Edito

 


« Hé bien ! la guerre.»

Faisant sienne la réponse lapidaire de la marquise de Merteuil au vicomte de Valmont (lettre CLII), la revue En-Quêtes a le plaisir immense de présenter à son fidèle lectorat son « numéro 5 » afin d’entamer avec lui une nouvelle liaison qu’elle souhaite fort instructive et nullement dangereuse…

Fidèle à sa politique d’intervention « multilatérale », ne prétendant pas à l’exhaustivité, En-Quêtes se propose, par les articles qui suivent, une approche singulière de ce thème inépuisable par la variété des approches et des angles de tir…

Guerre et dissimulation : Pierre Choderlos de Laclos, l’auteur des Liaisons dangereuses, fut militaire de carrière. Cela n’est guère surprenant ; dans le monde de Mars et de Vénus, une bonne maîtrise de la stratégie est souvent indispensable… La préservation du secret est l’un des piliers de l’art de la guerre, c’est précisément ce que nous explique Florent Jobard dans son article Des verrous et des clés. À l’aide de nombreux exemples historiques, il nous retrace les grandes évolutions de la cryptographie (codage/décodage) et nous montre comment l’effet conjugué des mathématiques et de l’informatique peut aboutir à des stratagèmes de plus en plus ingénieux.

Guerre et représentation : si la guerre est « un art », il est somme toute logique que cette activité ait inspiré les artistes… François Jeannet nous en fournit deux exemples éclatants mais fort distincts dans De la gloire à la calamité : les fresques hiératiques de Piero della Francesca dans l’église San Francesco d’Arezzo d’une part, et les gravures impitoyables de Jacques Callot dans ses « petites et grandes misères de la guerre » d’autre part.

Guerre et religion : la comparaison de la guerre avec l’art et le jeu a ses limites… Activité meurtrière provoquant le désordre et la destruction, elle suscite également l’indignation et la réprobation lorsqu’elle apparaît, de surcroît, injustifiée. La volonté d’en limiter les effets dans le temps et l’espace a toujours existé et le meilleur exemple réside sans doute dans ce mouvement ecclésiastique qui toucha le royaume de France au XIe siècle, connu sous le nom de « Paix et Trêve de Dieu ». Daniel Poza-Lazaro en esquisse les grandes lignes dans son article De se battre mon heure s’est arrêtée…

Guerre et motivation : cependant, malgré les drames et les risques suscités par de tels conflits, les souverains ont souvent usé et abusé du recours à la guerre pour satisfaire à des fins multiples : esprit de conquête et volonté de puissance, désir de gloire et de postérité, croisade idéologique, simple caprice… De certaines de ces finalités il est question dans l’article de Didier Auger Un dernier coup d’estoc de Voltaire contre la guerre qui se propose d’analyser le subtil jugement porté par l’auteur de Candide sur l’un des principaux conquérants du XVIIIe siècle, Frédéric II de Prusse…

Guerre et contractualisation : rejeter tous les torts sur les puissants est sans doute excessif. La guerre ne serait-elle pas plutôt une donnée anthropologique irréductible ? En d’autres termes, l’état de guerre est-il naturel ? Nous voilà replongés aux sources de la philosophie politique moderne… et grâce à l’article de Grégory Hosteins Sociétés ennemies, il nous est permis de saisir l’opposition et la complémentarité des conceptions de Hobbes et de Rousseau à ce sujet.

Pour atténuer la dimension trop belliqueuse de son cinquième numéro, En-Quêtes se propose de le clore avec une pointe d’érotisme et un soupçon d’exotisme… Dans son article Pour une « poérotique » de Vladimir Nabokov, Didier Auger nous invite dans sa nouvelle étude de l’œuvre du grand écrivain russe à goûter au « plaisir du texte » ; dans sa Galerie de sauvages, à partir d’extraits de récits de voyage et d’ethnologues, Grégory Hosteins nous convie à une réflexion sur la figure étrange et étrangère du « sauvage » dans les représentations européennes.

BONNE LECTURE A TOUS !

Et rien de tel, pour le repos du guerrier, que de se réunir autour de l'âtre. L’équipe d’En-Quêtes a donc choisi Le feu pour thème de son prochain numéro.