«
Ta [planche à] voile, elle touche presque la Lune. »
Antoine, 3 ans et demi
Bien entendu vous avez tous appris que la Lune est considérablement
plus éloignée que ne l’affirme mon neveu. Oui,
mais de combien ? La Lune est-elle située à 10, 100,
1000 kilomètres de la Terre ou encore davantage ? Et à
supposer que vous le sachiez, quels arguments avanceriez-vous pour
justifier telle ou telle réponse ? De même, sauriez-vous
évaluer la distance qui nous sépare du Soleil ?
Difficile… Mais soyez rassurés, même les plus
grands penseurs ont pu dire de grosses bêtises à propos
des astres. Héraclite lui-même avait prétendu
que le Soleil n’avait que 30 centimètres de diamètre
– conviction étonnante et qui de surcroît a pour
conséquence que nous pourrions attraper la Lune rien qu’en
allongeant le bras (1) ! S’il paraît donc impossible
de déterminer la distance de la Lune ou du Soleil par rapport
à la Terre, sans doute est-il beaucoup plus abordable de
savoir lequel des deux en est le plus proche.
J’ai alors posé cette question à mes élèves
de quatrième au cours d’un sondage réalisé
cette année. Or seuls les deux tiers y ont répondu
correctement. Moi qui pensais qu’une telle connaissance était
le b a-ba de l’astronomie, j’étais bien loin
du cent pour cent escompté. Certes, mon collègue de
sciences physiques m’expliqua que la part relative à
cette discipline était de plus en plus réduite dans
les programmes du secondaire. Mais tout de même, une question
aussi simple que celle-ci ! Je me suis alors tourné vers
des collègues de tous bords qui, s’il leur est permis
d’enseigner, ont tous fait au minimum quatre années
d’études supérieures. Bon bagage culturel et
intellectuel a priori. Le pourcentage de bonnes réponses
fut heureusement plus conséquent, mais que d’hésitation…
Je sentais à leur manière de répondre qu’ils
tentaient désespérément de se souvenir de ce
qu’ils avaient appris, sans nullement recourir à un
peu de réflexion. Même une collègue de science
– j’ai bien dit « de science » ! –
s’est trompée. Et si la question posée cachait
sous son apparente simplicité de véritables difficultés…
I- A la recherche d’une réponse
1- Les raisons d’un échec
Lorsque nous apercevons deux avions dans le ciel, nous savons déterminer,
sans la moindre hésitation, lequel des deux est le plus éloigné.
Qu’est-ce qui rend ce problème aussi simple ? C’est
leur taille : si nous considérons que deux avions ont globalement
la même taille, le plus proche est aussi le plus gros dans
le ciel. En est-il de même de nos deux luminaires célestes,
le Soleil et la Lune ? Non, car justement nous ne savons rien de
leur taille. Bien sûr les plus cultivés d’entre
vous me diront qu’il est bien connu que le Soleil est considérablement
plus gros que la Lune, et que par conséquent, puisque la
Lune semble avoir une taille apparente plus ou moins similaire à
celle du Soleil, c’est que ce dernier est beaucoup plus loin.
Raisonnement correct, mais comment faites-vous pour savoir que le
Soleil est le plus gros des deux. Là est tout le problème.
Me direz-vous comme l’un de mes élèves qu’il
est plus gros que la Lune parce qu’il couvre tout le ciel
?
A cela s’ajoute de plus des problèmes de perception.
N’avez-vous pas en effet remarqué que nos deux luminaires
nous paraissent beaucoup plus gros – et de ce fait beaucoup
plus proches de la Terre – lorsqu’ils sont à
proximité de la ligne d’horizon, alors qu’au-dessus
de nos têtes, perdus dans l’infini du ciel, ils semblent
tout petits et très loin ?
Et pour couronner le tout, il est impossible de fixer le Soleil
plus de trois secondes sans se brûler les yeux. Alors de là
à conclure quoi que ce soit sur sa distance à la Terre…
Bref, il semble bien que notre problème soit plus difficile
que prévu. Et pourtant, malgré toutes ces difficultés,
il existe un argument imparable auquel sans doute vous aviez déjà
pensé, c’est l’éclipse de Soleil.
2- L’éclipse de Soleil
L’argument est juste en effet, car si une éclipse de
Soleil a lieu, c’est que la Lune s’est interposée
entre la Terre et celui-ci. Le Soleil est donc derrière la
Lune, c’est le plus éloigné des deux.
Soit ! Mais imaginons un instant que personne ne vous ait expliqué
ce phénomène, quel argument donneriez-vous pour convaincre
un sceptique – mes élèves par exemple ou un
Ancien surgissant du passé, effrayé par l’idée
qu’un monstre géant puisse manger puis recracher l’astre
solaire – que c’est bien la Lune qui passe devant le
Soleil alors même qu’un jour d’éclipse
elle n’est jamais visible dans le ciel ? Par ailleurs, ce
phénomène étant relativement rare dans la vie
d’une personne, il vous rétorquera n’avoir jamais
assisté à la moindre éclipse, fut-elle partielle.
Vous voilà coincés ! Aussi, pour parer toute objection,
il suffit d’observer un phénomène qui a l’avantage
d’être beaucoup plus fréquent que l’éclipse,
puisqu’il est quotidien : les phases de la Lune.
3- Les croissants de Lune
Pour comprendre que le Soleil est le plus éloigné
des deux, il suffit en effet de suivre l’évolution
de la forme de la Lune parallèlement à celle de la
position du Soleil par rapport à elle.
Les schémas ci-dessous correspondent à ce que l’on
pouvait voir de la Lune du vendredi 5 au samedi 13 août de
cette année 2005. La Lune « noire » est une nouvelle
Lune.
La
Lune est un astre sphérique qui n’émet aucune
lumière propre mais ne fait que renvoyer la lumière
reçue du Soleil. La surface de la Lune éclairée
par le Soleil est donc toujours une demi-sphère. Pourtant,
la forme de la Lune varie perpétuellement. Pourquoi ? La
raison est très simple : c’est sa surface éclairée
visible depuis la Terre qui est variable, non sa surface
éclairée réelle. Tout dépend
de la position du Soleil (la source lumineuse) par rapport à
la Lune. Ainsi, lors d’une nouvelle Lune, la surface éclairée
par le Soleil est « au dos » de la Lune, le Soleil étant
située derrière elle ; c’est pourquoi nous ne
la voyons pas (à moins que la Lune se soit couchée
sous l’horizon, autre cas de figure possible).
On comprend dès lors qu’une éclipse de Soleil
ne peut avoir lieu qu’un jour de nouvelle Lune, lorsqu’il
est impossible de la voir, d’où la terreur des Anciens.
Aussi nous pouvons dès à présent, sans faire
appel au phénomène complexe de l’éclipse,
déduire d’un croissant de Lune que le Soleil est le
plus éloigné. En effet, les jours suivant une nouvelle
Lune, le Soleil quittera sa position de derrière la Lune
laissant apparaître des croissants de Lune de plus en plus
gros jusqu’à la demi-Lune et enfin la pleine Lune.
La forme 2 indique par exemple que le Soleil n’est pas exactement
derrière la Lune, mais légèrement sur sa droite.
Or s’il est à peu près derrière la Lune,
c’est qu’il est plus loin. (En fait, ce n’est
pas le Soleil qui se déplace autour de la Lune puisque nous
savons depuis Copernic puis Galilée que le centre du monde
n’est ni la Terre, ni la Lune, mais le Soleil.)
Bien entendu d’autres formes existent comme celle de la pleine
Lune. A l’inverse d’une nouvelle Lune, toutes les fois
où nous regardons une pleine Lune, le Soleil est toujours
dans notre dos. Si la Lune est pleine, c’est tout simplement
parce la surface éclairée par le Soleil nous fait
face. Mais cette analyse ne permet aucune conclusion concernant
notre problème car le Soleil peut être très
loin ou juste derrière nous. Comment savoir alors s’il
est plus éloigné de la Terre que ne l’est la
Lune ? Seuls les schémas ci-dessus dont nous avons fait l’analyse
offrent la possibilité d’y répondre.
4- L’angle droit de la demi-Lune
Une autre forme de la Lune nous permet d’établir une
telle conclusion : la demi-Lune. Si la Lune nous apparaît
comme telle, c’est que la Terre, la Lune et le Soleil forment
un angle droit.
La Terre, la Lune et le Soleil forment un triangle rectangle.
Or dans un triangle rectangle, le côté le plus long
est toujours celui qui est situé à l’opposé
de l’angle droit. Ainsi, même si nous avions réduit
la distance Terre-Soleil en plaçant ce dernier juste à
côté de la Lune, la distance Terre-Soleil aurait été
plus grande que la distance Terre-Lune. Autrement dit, le Soleil
est plus loin que la Lune.
II- Le Soleil est-il beaucoup plus loin ?
Une réflexion autour de la demi-Lune nous a permis de conclure
que le Soleil est plus loin que la Lune en utilisant une propriété
du triangle rectangle, propriété que même un
élève de primaire est capable de percevoir. Nous pourrions
nous satisfaire d’un tel résultat. Mais une nouvelle
question nous brûle les lèvres : est-il beaucoup plus
loin ? Et comment le savoir ?
1- Réponses des élèves
Lors du sondage précédemment évoqué,
j’avais également posé cette question. Certaines
de leurs réponses furent étonnantes. Quelques-unes
d’entre elles, en vrac (j’ai corrigé les fautes
d’orthographe) :
« Le Soleil est plus éloigné que la Lune par
rapport à la Terre car le Soleil est brûlant et la
Lune est froide. Par conséquent, le Soleil est très
éloigné pour ne pas représenter un danger pour
la Terre alors qu’il n’y a aucun risque avec la Lune.
» Pas si bête, mais cela ne justifie rien. On peut très
bien imaginé des corps froids et beaucoup plus éloignés
de la Terre que ne l’est le Soleil. C’est d’ailleurs
le cas de la planète Pluton.
« Oui, à l’œil nu. » Réponse
que m’a également donnée un collègue.
Certes, mais comment faire ?
« La Lune est beaucoup plus proche de nous car on peut l’apercevoir.
» Comme si nous ne pouvions apercevoir le Soleil…
« Le Soleil est beaucoup plus loin car la Lune est un satellite
de la Terre. » Très juste, mais comment savoir que
seule la Lune est un satellite de la Terre alors que nous voyons
le Soleil et la Lune tourner indifféremment au-dessus de
nos têtes ?
Aucun élève – aucun adulte non plus d’ailleurs
– ne m’a donné une réponse pleinement
satisfaisante. Pourtant, il est possible, et ce de manière
simple, de s’en faire une idée.
2- Une première estimation dans la cour de récré
A la rentrée du mois de janvier, alors que je me trouvais
dans la cour du collège pour prendre mes élèves,
la Lune m’offrit un début de réponse. C’était
une demi-Lune dont la ligne d’ombre était quasiment
verticale (la ligne d’ombre est le segment qui délimite
les zones d’ombre et de lumière de la Lune). Il faisait
encore nuit, le Soleil était sous l’horizon. La droite
en pointillés du schéma suivant représente
le plan du sol sur lequel je me tenais debout. Le Soleil devait
donc être à la fois sous cette droite puisqu’il
faisait nuit, et sur la droite fléchée représentant
les rayons du Soleil.
Les deux droites étant quasiment parallèles, nous
comprenons aisément que la droite fléchée «
au bout » de laquelle se trouve le Soleil doit être
longuement prolongée pour que cet astre puisse être
situé sous le sol (il faisait nuit), alors que la distance
de la cour à la Lune n’est que de trois centimètres
sur mon schéma. La distance Cour-Soleil est donc beaucoup
plus grande que la distance Cour-Lune. Le Soleil est donc beaucoup
plus éloigné.
3- Une deuxième estimation sur le Pont des Arts
Le spectacle auquel j’avais assisté depuis la cour
de récré aurait été plus concluant si
le Soleil avait été visible dans le ciel. En effet,
puisqu’il faisait nuit, je n’avais aucun moyen pour
situer la position du Soleil sous la Terre. Etait-il peu ou très
en-dessous de l’horizon ? Question essentielle car s’il
est très en-dessous, alors la droite fléchée
doit davantage être prolongée, plaçant ainsi
le Soleil encore plus loin de moi.
Mais quelques mois plus tard, alors que nous pique-niquions sur
le Pont des Arts à Paris, j’eus la chance d’observer
le spectacle tant attendu. Une demi-Lune trônait dans le ciel
au-dessus de l’Institut de France, et le Soleil, contrairement
à l’expérience précédente, était
visible : il faisait encore jour (car malgré ce que nous
pourrions croire spontanément, nos deux astres peuvent être
vus simultanément dans le ciel). Au début du repas,
la ligne d’ombre n’était pas tout à fait
verticale. J’ai alors attendu quelques dizaines de minutes
que cette ligne d’ombre le soit parfaitement – car n’oublions
pas que, du fait que la Terre tourne sur elle-même, la Lune
tout comme le Soleil se déplace dans le ciel. A la fin du
repas, le spectacle était le suivant, le Soleil étant
quelque part sur la droite fléchée.
La Lune était assez haute dans le ciel, disons que l’angle
Horizon-Moi-Lune était de 50 degrés. Si le Soleil
avait été situé « à côté
» de la Lune, proche d’elle sur la droite fléchée,
l’angle avec lequel j’aurais perçu le Soleil
aurait été globalement le même que pour la Lune,
soit 50 degrés. Le Soleil aurait été à
la même « hauteur » dans le ciel. Or le Soleil
n’y était même plus visible, puisqu’il
commençait à faire nuit. L’angle Horizon-Moi-Soleil
était proche de zéro degré, ce dernier se cachant
tout juste derrière les immeubles bordant la Seine. Par conséquent,
le Soleil ne pouvait être que très loin de la Lune.
Pour une meilleure compréhension, établissons un parallèle.
Imaginons une série d’immeubles tous de la même
hauteur. Si je me place en face du premier immeuble, puis que je
tourne la tête pour observer le dernier de la série
tout au bout de la rue, le premier me paraîtra beaucoup plus
haut que le dernier, ma tête étant beaucoup plus penchée
en arrière pour le premier. C’est exactement ce qu’il
se passe ici pour notre Soleil. Il est à la même «
hauteur » que la Lune (la droite fléchée de
mon schéma est parallèle au sol), et en même
temps au niveau de l’horizon.
III- Un duel au sommet
Nous avons établi que le Soleil est beaucoup plus loin que
la Lune. Mais nous pouvons faire mieux en découvrant le rapport
exact entre les distances Terre-Soleil et Terre-Lune. Le Soleil
est-il en effet dix fois plus loin que la Lune ? Cent fois ? Mille
fois ?
1- L’angle Soleil-Terre-Lune
Pour déterminer ce rapport de distances, il suffit simplement
de mesurer, lors d’une demi-Lune, l’angle Soleil-Terre-Lune,
ce qui fut réalisé par Aristarque, un grec vivant
au IIIe siècle avant J.-C. Ses mesures lui donnèrent
87 degrés. Il dessina alors une distance Terre-Lune quelconque
et deux angles mesurant respectivement 87 et 90 degrés (90
degrés puisque il a affaire à une demi-Lune).
Il prolongea ensuite ces deux demi-droites et plaça le Soleil
à leur intersection.
Grâce
à ce schéma, Aristarque put conclure, en prenant une
règle ou je ne sais quel instrument de l’époque,
que le Soleil était 19 fois plus loin que la Lune. Beau résultat
!
Remarquons que la distance Terre-Lune choisie initialement par notre
astronome n’a aucune importance : s’il avait tracé
une distance Terre-Lune deux fois plus grande, la distance Terre-Soleil
l’aurait été également, et le Soleil
aurait encore été 19 fois plus loin que la Lune.
2- Utilisation d’un instrument
Reste à savoir comment il a pu déterminer la mesure
de cet angle avec une telle précision. Malheureusement je
n’en ai pas la moindre idée. Aussi ai-je tenté
de me mettre à sa place en construisant l’instrument
ci-dessous, instrument d’une grande simplicité et qu’un
homme de l’Antiquité aurait très bien pu construire.
Une tringle à rideau, deux plaquette deux bois, l’une
fixée à la tringle par un clou, l’autre pouvant
pivoter sur elle-même autour d’un autre clou fixé
sur la première plaquette, et enfin deux feuilles de papier
roulées sur elle-mêmes et scotchées sur les
dites plaquettes, et me voilà prêt pour l’une
des plus grandes découvertes astronomiques de tous les temps…
L’idée
était alors d’ajuster la tringle et les deux plaquettes
afin d’apercevoir le Soleil dans l’un des tubes et la
Lune dans l’autre. L’écartement des deux tubes
(ou des deux plaquettes, ce qui revient au même) n’est
autre que l’angle cherché Soleil-Terre-Lune. J’ai
donc patiemment attendu le samedi 13 août, jour de demi-Lune.
Résultat des courses après quelque dix minutes de
tâtonnements : 97 degrés. L’angle Soleil-Terre-Lune
était donc plus grand de 7 degrés que l’angle
droit. Impossible, comme l’indique le schéma suivant.
Les deux demi-droites Lune-Soleil et Terre-Soleil n’ayant
manifestement aucun point d’intersection, le Soleil ne pouvait
pas apparaître sur mon schéma. Mes mesures, malgré
tout le soin que je pus y apporter, se révélaient
donc erronées. J’aurais pu penser que la qualité
fort artisanale – j’en conviens – de mon instrument
en était la seule responsable. Mais une erreur d’au
moins 7 degrés me paraissait trop importante pour qu’une
telle mise au ban puisse être légitime. Une autre possibilité
était que la Lune n’ait pas été une parfaite
demi-Lune. Bien que le calendrier m’indiquât le jour
exact de la demi-Lune, j’avais en effet remarqué la
veille du 13 août tant attendu que la Lune était à
peine « inférieure » à une demi-Lune.
Aussi, le lendemain soir, lorsque je pris mes mesures, la Lune était
sans doute devenue « supérieure » à une
demi-Lune, ce qui justifiait que j’avais obtenu un peu plus
de 90 degrés. « Sans doute » car je distinguais
mal la Lune à cause des nuages. Trop tard donc ! Qu’à
cela ne tienne, je recommençai deux semaines plus tard, lors
de la demi-Lune suivante : 92,5 degrés. Résultat certes
nettement meilleur mais tout aussi absurde si je supposais être
en présence d’une parfaite demi-Lune. De plus, ce jour-ci
la visibilité était parfaite. Aucune excuse donc.
Conclusion
J’avais nourri l’espoir de faire mieux que mon prédécesseur
de vint-trois siècles (la belle affaire !) en trouvant une
mesure d’angle comprise entre 87 et 90 degrés. 88 degrés
m’auraient largement convenu puisqu’une différence
d’un degré seulement aurait considérablement
« allongé » son triangle, et le rapport de longueur
serait passé de 19 à 29. Aristarque avait-il été
plus persévérant ou plus précis que moi ? Ou
bien avait-il supposé lui aussi être en présence
d’une demi-Lune alors qu’il n’en était
rien ? Et la chance avait-elle voulu que ses mesures soient contrairement
aux miennes inférieures à 90 degrés, les rendant
par conséquent cohérentes quant au résultat
attendu ? Mystère…
En fait, Aristarque n’avait pas été tellement
plus brillant que moi – « Vexé » dites-vous
? – puisque les techniques modernes ont permis d’établir
que le Soleil n’est pas 19, mais 400 fois plus éloigné
de la Terre que ne l’est la Lune (2). Il avait beau être
Grec, il avait donc tout faux !
Notes :
1 Pour plus de détails concernant cette étrange conséquence,
lire le raisonnement précédent la page 105 du livre
de Roberto Casati : La découverte de l’ombre,
publié chez Albin Michel, livre à partir duquel a
été écrit cet article.
2 Un soleil 400 fois plus éloigné que la Lune correspond,
d’après ma calculatrice, à un angle de 89,8567…
degrés, soit quasiment un angle droit. Or si nous traçons
un triangle Soleil-Terre-Lune avec un angle droit en la Lune (puisque
c’est une demi-Lune) et un angle quasiment droit en la Terre,
alors les droites Lune-Soleil et Terre-Soleil sont presque parallèles,
plaçant le Soleil (qui est à l’intersection
de ces deux droites) très loin de la Terre et de la Lune.
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