«
Si le christianisme eut été arrêté dans sa
croissance par quelque maladie mortelle, le monde eut été
mithriaste. »
Ernest Renan
IIe
siècle, Musée archéologique de Venise.
Nous sommes en Gaule,
en *Pannonie, en Afrique ou en Espagne, quelque part dans l’Empire
romain ; nous sommes au second ou troisième siècle après
J.-C… Dans une caverne de modeste dimension, une vingtaine d’hommes
se retrouve, ce sont des initiés… Sur des banquettes de
pierre, ils s’apprêtent à partager le repas commun
servi par des individus portant des masques de corbeaux… Sur les
murs, d’étranges bas reliefs figurent un jeune homme habillé
d’un pantalon perse et d’un bonnet phrygien juché
sur un taureau qu’il tient par une corne et qu’il poignarde
en lui plantant son couteau dans l’échine…
Dans quel sanctuaire nous trouvons-nous ? Qui sont ces hommes réunis
pour l’occasion ? Et quelle est cette divinité étonnante,
désormais disparue, qui (à en croire Renan) ne fut pas
loin de surclasser le christianisme ?
I- UNE DIVINITE QUI VOYAGE D’EST EN OUEST
a. Aux origines de Mithra
Mithra est un dieu indo-iranien très ancien. En *védique,
« mitra » signifie « ami » ou « contrat
». C’est une divinité pastorale et guerrière,
bienveillante et proche des gens ; dieu du contrat, il veille sur la
justice, le respect des serments et des alliances ; dieu de la lumière
et du jour, il est le garant de la prospérité en faisant
tomber la pluie.
Peu touché par la réforme monothéiste et dualiste
de Zarathoustra en Perse (VI° siècle av. JC), Mithra est
une divinité dont le culte est avéré chez les souverains
*achéménides. Non seulement les rois de Perse juraient
par Mithra mais le septième mois de l’année lui
était consacré (à cette occasion, le « grand
roi » participait personnellement à ses fêtes par
des danses et des libations).
Sous les Achéménides, Mithra jouit d’une position
religieuse privilégiée et officielle mais il n’est
nullement une divinité « à *mystères »
telle que nous le retrouverons dans le mithraïsme romain. C’est
en nous rendant en Asie mineure, à l’époque hellénistique,
que nous constaterons les premières traces de transformation.
b. Les conséquences de l’hellénisation
Les conquêtes d’Alexandre le Grand ont eu de multiples conséquences
culturelles. La civilisation grecque a pu se diffuser jusqu’aux
portes de l’Inde ; dans le même temps, des éléments
importants de la culture et de la religion orientales se sont imposés
dans les royaumes nés du partage de l’empire alexandrin.
Ses interactions greco-orientales ont permis à Mithra de sortir
de son cadre géographique initial.
Ainsi, au cours de l’époque hellénistique, des souverains
de la région du *Pont, d’Arménie ou de *Commagène
se sont appelés « Mithridates » ou « Mithradates
» ; leurs noms attestent qu’ils vénéraient
Mithra, garant divin de leur autorité. Dans ces royaumes hellénisés,
Mithra est souvent identifié à Hermès (dieu *psychopompe
intermédiaire entre les dieux d’En Haut et d’En Bas)
ou Apollon (dieu du Soleil). Sous le règne d’Antiochus
I, roi de Commagène de 69 à 38 av. J.-C., il est possible
de lire, sur une inscription, cette équation remarquable «
Apollon-Mithra-Hélios-Hermès ».
D’après les écrits de Plutarque, l’introduction
des mystères mithriaques en Italie daterait de 67 av. J.-C. et
s’inscrirait dans le cadre de la guerre entre Rome et Mithridate
VI Eupator, roi du Pont. Des pirates ciliciens capturés par Pompée
auraient enseignés à leurs vainqueurs les sacrifices étranges
et le rituel d’initiation qu’ils pratiquaient dans leur
montagne. Les Romains découvrent alors une consécration
mystérique réservée aux hommes, une société
secrète à caractère militaire (le « miles
» ou « soldat » est un des grades de la confrérie)
qui exercera un fort attrait sur les légionnaires de l’Empire
et fera du mithraïsme romain une religion de soldats assermentés.
c. Mithra romain
Les témoignages de cette transplantation qui voit Mithra passer
de l’Asie mineure à l’Occident se multiplient au
Ier siècle ap. J.-C. En 71, l’empereur Vespasien annexe
la Commagène ; désormais, les Romains y recrutent des
troupes d’archers auxiliaires dont certains diffuseront le culte
mithriaque à travers les provinces impériales (on pense
ainsi que l’installation de la XVe légion Apollinaris venue
d’Orient, à Carnutum, en Pannonie, fera beaucoup pour le
développement du mithraïsme dans les régions danubiennes).
Vers 80-90, une référence à Mithra est lisible
dans l’œuvre du poète Stace (« Mithra qui sous
le roc de l’antre persique maîtrise les cornes du taureau
rétif », Thébaïde, I, 717-718).
L’image du dieu *tauroctone semble déjà fixée
sinon popularisée ; l’imagerie mithraïque reprend
le motif de la Nikè tauroctone, Mithra devient dès lors
« invictus », l’invaincu ou l’invincible.
Au siècle suivant, l’implantation se poursuit à
Rome, en Italie, dans les ports de la Méditerranée occidentale,
les colonies militaires ou les villes de garnisons en Afrique, en Espagne,
en Gaule, sur le Rhin ; la transplantation donne lieu parfois, du fait
de la plasticité des religions antiques à des syncrétismes
locaux (Mercure et Mithra en Gaule et en Espagne).
II- UNE DIVINITE ORIENTALE A PART ?
a. Bref aperçu des cultes orientaux
La religion romaine traditionnelle à l’époque impériale
est une religion contractuelle entre les dieux et les hommes qui se
déroule dans un cadre communautaire et civique. Cette religion
romaine d’Etat n’a pas de dogme à défendre
mais une unité civique et ritualiste à préserver
qui trouve sa meilleure expression dans le cadre du culte impérial,
capable d’enraciner le loyalisme des populations et la romanisation.
Cependant, le passage du Haut Empire au Bas Empire romain (soit le III°
siècle) voit se multiplier de nombreux cultes dits « orientaux
» dont le dynamisme marque clairement une évolution du
sentiment religieux romain vers une approche plus personnelle et mystique.
Sous ce terme générique de « cultes orientaux »
(ou « gréco-orientaux » car hellénisés
entre le second siècle avant et la second siècle après
J.-C.) se cache une grande variété de dieux et de déesses
venus d’Egypte, de Syrie ou d’Anatolie : Isis et Sérapis,
Cybèle et Attis, Adonis et Atargatis, Baal-Hamon, Tanit, Jupiter
Dolichenus, Jupiter Heliopolitanus et… Mithra bien évidemment.
Les cultes et les croyances liés à ces divinités
ont des points communs car elles font preuve d’un certain hermétisme,
accordent une grande importance à l’astrologie et au rôle
des prêtres et se manifestent par des signes vestimentaires ou
capillaires spectaculaires.
Cependant les différences sont également nombreuses et
distinguent les cultes ouverts à tous de ceux réservés
à des initiés, les croyances promettant un au-delà
de celles qui proposent une protection « hic et nunc »,
les divinités solaires des divinités chtoniennes (c'est-à-dire
liées à la terre).
Ainsi Mithra partage-t-il avec Isis le fait d’être une divinité
à mystères, avec Cybèle de mettre en avant l’image
du *taurobole, avec Jupiter Dolichenus la spécificité
de venir de Commagène et d’être populaire auprès
des militaires ; mais au-delà de ses rapprochements, Mithra possède
ses propres caractéristiques qu’il convient maintenant
d’aborder.
b. Les sanctuaires mithriaques (description et initiés)
Si le mithraïsme nous est encore connu vingt siècles plus
tard, nous le devons certes aux sources littéraires antiques
mais davantage encore aux découvertes archéologiques des
lieux de culte de Mithra, les « mithraea ».
-Les mithraea-
Ces sanctuaires, exhumés du Maghreb à l’Angleterre,
du Rhin à l’Euphrate surprennent par leurs petites tailles.
De 6 à 23 mètres de long, les mithraea montrent, par leurs
dimensions modestes que nous avons affaire à une religion de
petits groupes (entre dix et cinquante convives masculins et seulement
masculins…).
A l’origine, le mithraeum est une caverne. La plupart du temps,
les mithraea sont de vraies grottes aménagées ou des cryptes
à demi enterrées ou encore, quand le site ne se prête
pas aux constructions souterraines, un bâtiment à l’air
libre (ressemblant comme à Londres à une basilique chrétienne).
A l’entrée du bâtiment, un vestiaire ou un vestibule
sert à l’ornement cultuel d’où émergent
en ronde bosse ou en bas-reliefs la figure de Mithra, représenté
sous divers aspects (en train de tuer un taureau, de combattre le Soleil
ou de lui serrer la main). A l’intérieur, le sanctuaire
est toujours aménagé en « salle à manger
» avec deux banquettes de maçonnerie ou s’allongent
les initiés pour prendre un repas en commun.
-Convives et initiés-
A l’intérieur du sanctuaire, les activités de la
confraternité sont à peu près connues en dépit
du secret des cérémonies.
Dans ces réduits enfumés par l’éclairage
aux cierges, les convives partagent le pain, l’eau, le vin aussi
probablement (à en croire les comptes du mithraeum du Doura et
les bas reliefs d’Heddernheim sur lesquels on voit le Soleil donner
une grappe de raisin à Mithra), des brochettes de viande (la
chair d’un taureau de mouton ou de volailles, faute de taureau).
Ils dînent ainsi pour réactualiser le repas archétypique
pris par Mithra avec le Soleil après avoir sacrifié le
taureau.
Cette communauté étroite se réunit à l’occasion
d’offices, qui semblent quotidiens, pour prier ou organiser des
cérémonies d’initiation. Une hiérarchisation
existe du fait même du degré initiatique de la religion.
On y dénombre sept grades qui portent chacun des noms évocateurs
et qui reçoivent la protection d’une divinité précise
: le Corbeau (Mercure), l’Epoux (Vénus), le Soldat (Mars),
le Lion (Jupiter), le Perse (la Lune), le Courrier d’Hélios
(le Soleil), le Père (Saturne)… Des masques zoomorphes,
des insignes et des signes particuliers (Tertullien prétend que
les « Soldats » étaient marqués au front par
un tatouage ou au fer rouge) caractérisent les initiés
et sur chaque communauté veille un Père ; à l’échelle
régionale, un Père des Pères détient le
rang d’un évêque métropolitain ou d’un
pape.
c. « Mithra tauroctone » divinité solaire et salvatrice
Notre connaissance de la doctrine du mithraïsme reste lacunaire.
Toutefois le sacrifice du taureau, si présent dans l’iconographie
mithriaque offre des indices importants, une fois décryptée
sa symbolique.
Le taureau est souvent figuré dans une sorte de barque ou de
croissant lunaire. Or l’astre lunaire passe pour être source
de vie et réservoir des âmes. Ainsi, en subjuguant et en
immolant le taureau, Mithra force les âmes à s’animer
ou à donner vie au monde matériel.
Ce sacrifice est donc porteur d’une grandeur cosmique. Il semble
signifier la victoire de la vie sur les forces du mal, dans la mesure
où le taureau détient en lui les éléments
vivifiants nécessaires aux biens des hommes, des animaux et des
végétaux (dans certaines représentations, un bouquet
d’épis sort de la plaie de taureau et certains animaux
-un chien, un serpent, un scorpion- viennent le mordre ou lécher
ses blessures).
Mithra n’est pas un dieu créateur mais un dieu médiateur
qui fortifie la création, la régénère à
des périodes régulières, un sauveur physique des
êtres, pas du salut personnel des âmes.
De fait, ses liens avec le Soleil sont plus qu’étroits
au point que Mithra est parfois nommé lui-même «
Sol invictus » (c'est-à-dire « le Soleil invaincu
ou invincible »). Les initiés de Mithra fêtent l’anniversaire
du Soleil le 25 décembre (natalis Solis invincti) mais également
celui de Mithra né de la pierre (« saxigénus »
ou « pétrogène »). De même, les solstices
et les équinoxes prennent une place importante et solennelle
dans les célébrations. En Occident, les mithraea sont
orientés de sorte qu’à l’équinoxe de
printemps le soleil levant vienne frapper l’image cultuelle de
Mithra. Enfin, les génies *parèdres de Mithra personnifient
le Soleil de Printemps (Cautès avec sa torche levée) et
d’Automne (Cautopatès avec sa torche abaissée) et
forment avec la divinité une sorte de trinité.
III- MITHRA, LE SOLEIL ET LES EMPEREURS ROMAINS
a. Mithra, religion impériale ?
Mithra a entretenu d’étroites relations avec de nombreux
empereurs romains, et même s’il n’a jamais, à
proprement parler, atteint le statut de religion officielle, il a bénéficié
d’une réelle attirance auprès de certains imperatores.
Cet attrait, probablement sincère pour beaucoup, s’explique
en partie par les conditions pratiques d’accession et de maintien
au pouvoir propres au IIIe siècle. Le pouvoir impérial,
devenu à l’époque une sorte de « monarchie
absolue tempérée par l’assassinat » s’obtient
le plus souvent par un coup de force, après qu’un général
ambitieux eut été proclamé par ses troupes fidèles.
Dès lors, quand on sait l’attachement des militaires romains
au culte mithriaque, on peut légitimement comprendre l’intérêt
que pouvait trouver un empereur à marquer ostensiblement son
affection envers ce culte.
Si les initiations de Néron (54-68) et d’Hadrien (117-138)
sont sujettes à caution, la multiplication des liens ne fait
plus de doute à partir de Commode (180-192). Ce dernier, probablement
initié, concède un local souterrain dans sa résidence
impériale d’Ostie ; un de ses successeurs, Septime Sévère
(193-211) charge un chapelain de la maison impériale de l’entretien
du culte de Mithra ; sous le règne de Gordien III (238-244),
un tauroctone est visible au revers d’une monnaie. Enfin, une
piété quasi-officielle se vérifie en 307 quand
Dioclétien, Galère et Licinius restaurent un antre à
Carnutum en donnant au dieu le titre de « fautor imperii sui »
(protecteur de leur pouvoir impérial).
Au regard de ces quelques exemples, les relations étroites entre
Mithra et le pouvoir impérial sont avérées et elles
sont d’autant mois surprenantes qu’elles s’inscrivent
dans un contexte précis. En effet, au IIIe siècle, deux
tentatives d’imposer au sommet de l’Etat un culte solaire
ont marqué les esprits ; il s’agit des projets d’Héliogabale
(218-222) et d’Aurélien (270-275).
b. Le Soleil au pouvoir : le cas d’Héliogabale
et d’Aurélien
-Héliogabale et la pierre noire d’Emèse-
En 218, Varius Avitus Bassianus, prêtre du dieu solaire «
Elagabal » dans la ville syrienne d’Emèse (et présenté
par sa famille comme le fils adultérin du défunt empereur
Caracalla), est porté sur le trône impériale à
l’âge de 14 ans. Connu sous le nom d’Héliogabale,
cet adolescent fantasque va gagner la capitale romaine en emportant
avec lui le bétyle noir. Ne renonçant pas à sa
fonction sacerdotale héréditaire, le jeune souverain entreprend
d’instaurer un culte solaire syncrétique.
Il fait rapidement construire un « Elagabalium » pour accueillir
dans ce temple la pierre noire et décide d’y transférer
plusieurs symboles des cultes traditionnels romains (le feu sacré
de Vesta, la pierre de Cybèle, le bouclier sacré des Saliens…).
Il effectue même une *théogamie entre son dieu et la déesse
Vesta… Ces décisions provoquent l’opposition politique
et religieuse des sénateurs, des prétoriens et des légionnaires,
elles désorientent le peuple de Rome. L’empereur finira
massacré par les prétoriens, son corps démembré
sera finalement jeté dans le Tibre. Sa mort mettra fin à
son expérience religieuse et son cousin et successeur, Sévère
Alexandre se montrera fidèle aux croyances religieuses romaines.
-Aurélien et le culte du Soleil-
Si le culte de l’aérolithe noir d’Emèse a
peu à voir avec Mithra, le projet d’Aurélien a pu
prêter à confusion ; d’autant que ce dernier a été
sans doute initié à Mithra. Cependant, il n’existe
pas de véritable identification entre le culte solaire préconisé
par l’empereur et le mithraïsme.
Aurélien a souhaité mettre en place un culte solaire officiel,
délié de façon ostensible de ses connotations orientales,
capable de fédérer un empire à la grandeur restaurée,
délivré des dissidences gauloises et palmyréniennes.
Dans ce culte païen revivifié, le Soleil, assimilé
à Jupiter et réputé invincible, devient le protecteur
de l’Empire (« Sol Dominus Imperii Romani », c'est-à-dire
« Soleil Maître de l’Empire Romain »).
Ce projet se développe en trois volets : « Deus Sol Invictus
» est reconnu divinité principale de l’Etat, un magnifique
temple dédié au Soleil est construit à Rome puis
consacré au cours de l’été 274 et des jeux
en l’honneur du Soleil sont institués tous les quatre ans
du 19 au 22 octobre, un nouveau collège de pontifes, les «
pontifices Dei solis » est mis en place pour desservir un culte
solaire assimilateur qui permet d’accueillir les autres divinités
solaires orientales (Mithra en particulier). L’assassinat de l’empereur,
l’année suivante, mettra un terme à cette expérience
*hénothéiste audacieuse.
c. Le crépuscule d’un dieu : Mithra et les empereurs romains
La bataille du Pont Milvius (312) au cours de laquelle Constantin triomphe
de Maxence a joué un rôle fondamental dans l’histoire
de la religion occidentale. L’empereur qui a vaincu « sous
l’inspiration de la divinité chrétienne »
va, par l’intermédiaire de l’Edit de Milan, l’année
suivante faire du christianisme la religion de l’Empire. Même
si jusqu’en 320, les monnaies constantiniennes ont fait valoir
« Sol Invictus » comme compagnon de l’empereur, les
lois répressives contre le paganisme vont porter un coup dur
et finalement fatal à Mithra.
Les mithraea sont dénoncées comme des lieux de ténèbres,
des cryptes démoniaques car souterraines. Des apologistes comme
Firminus Maternus rappelle l’origine persique d’un dieu
né dans une contrée où vivent les ennemis de Rome,
les Parthes.
Malgré un bref répit sous le règne de Julien l’Apostat
(360-363), les destructions de sanctuaires reprennent à Rome,
en 376/377, notamment sous l’action de nouveaux convertis ou des
autorités préfectorales. La même violence méticuleuse
et fanatique est visible dans les provinces : les objets cultuels sont
brisées à la hache ou à la masse, l’image
de la divinité est détruite.
CONCLUSION : la dernière métamorphose de Mithra, sa disparition…
Pourchassé et progressivement tombé en désuétude
le mithraïsme disparaît peu après 400.
Aussi faut-il faire un sort à la belle et fascinante formule
de Renan, placée en exergue de notre article : elle est sinon
fausse, du moins fortement exagérée.
Le culte de Mithra avait des chances limitées de s’imposer,
même en cas de disparition du christianisme, et ce pour plusieurs
raisons.
Son culte était coupé des femmes, soumis à l’opportunisme
des fonctionnaires et des militaires. Religion de déracinés,
elle manquait de bases solides en ville pour concurrencer sa rivale
et surtout elle n’offrait pas de réponses aux angoisses
spirituelles de ceux qui aspiraient à la vie éternelle.
Cette « franc-maçonnerie antique » a disparu avec
la société qui l’a enfantée.
Lexique :
Pannonie : région de la Hongrie actuelle
Védique : langue des Veda (forme archaïque du sanskrit qui
est lui-même une langue indo iranienne ancienne)
Achéménide : nom donné à la dynastie qui
domina l’empire perse du VIe au IVe siècle.
Mystères : nom donné aux religions qui nécessitent
une initiation et se déroulent dans un certain secret
Pont : région du nord de la Turquie actuelle
Commagène : région du nord de la Syrie actuelle
Psychopompe : qui conduit les âmes
Tauroctone : « tueur de taureau »
Taurobole : sacrifice dans lequel un fidèle est arrosé
du sang d’un taureau immolé.
Parèdre : divinité associée, à un rang subalterne,
au culte et aux fonctions d’une autre divinité.
Théogamie : mariage symbolique entre deux divinités
Hénothéisme : volonté de mettre au premier rang
une divinité sans exclure les autres.
Bibliographie :
Turcan Robert : « Mithraisme », article de l’Encyclopaedia
Universalis (tome 15)
Turcan Robert : Mithra et le mithriacisme, Paris, Les Belles Lettres,
1993
Turcan Robert : Les cultes orientaux dans le monde romain, Paris, Les
Belles Lettres, 1992
Turcan Robert : Héliogabale et le sacre du soleil, Payot, 1997
Cizek Eugen : Aurélien et son temps, Paris, Les Belles Lettres,
1994
Martin Jean-Pierre : Sociétés et religions dans les provinces
romaines d’Europe centrale et occidentale, Sedes, 1992
Bats Maria, Benoits Stéphane, Lefebvre Sabine : L’empire
romain au IIIe siècle, Atlande, 1997